Jean-Marie – Du bon usage de la démocratie

Chroniques du temps covidien 1 :


Pourquoi je n’ai pas voté le 15 mars 2020

J’étais pourtant décidé à faire mon devoir civique ce dimanche matin. Je me préparais, tout en écoutant les infos sur France Culture. Évidemment le journal était surtout consacré au coronavirus, au dernier discours de Macron, aux dernières mesures de confinement prises la veille au soir. On interroge Frédéric Adnet, Professeur de Médecine d’Urgence, et chef du service des urgences de l’hôpital Avicenne et du Samu de Seine-Saint-Denis. Il présente la situation délicate dans son établissement, l’interruption des opérations non urgentes dans tous les services pour libérer du personnel et des lits pour pallier aux manques dans les services de réanimation pour faire face à l’augmentation des cas critiques. A la fin on lui demande s’il est d’accord avec la tribune signée la veille par 17 médecins sur le site Atlantico réclamant un report des élections municipales, si du point de vue sanitaire maintenir les élections n’est pas une ineptie. Et Adnet répond qu’effectivement pour lui c’est incompréhensible. Fermer d’un côté bars, restaurants, cinémas, etc… et de l’autre inviter tous les français à se rendre dans des lieux de vote, et ce d’autant que dans deux semaines on sera à l’acmé de l’épidémie et qu’il y a de fortes chances pour que le 2ème tour soit annulé.

Je me suis souvenu alors d’une intervention d’un autre toubib vendredi 13 mars à midi sur France Culture, Jean Phillipe Mazzucotelli au CHU de Strasbourg. Il expliquait qu’ils étaient déjà là-bas dans l’urgence sanitaire, qu’il redoutait d’en arriver à la situation italienne, où faute de moyens adaptés, on en était à choisir qui soigner entre plusieurs malades graves, qui donc tenter de sauver ?!

Selon lui « rien n’a été fait pour que les hôpitaux soient opérationnels, que quand le gouvernement et les directeurs d’ARS prétendent que tout a été fait, c’est complètement faux…. rien ne va, on n’est pas prêt, on fait le maximum ici pour assumer mais si l’épidémie continue comme ça on sera bientôt totalement dépassé…. » .

Il évoque la nécessité de fermer certains services pour récupérer infirmières et lits ainsi que les problèmes matériels, le manque de masques, de combinaisons, etc… Il parle de ses collègues en infectiologie qui ont alerté l’ARS du danger d’explosion de l’épidémie, qu’ils allaient être en grande difficulté et il termine ainsi

« mais non pour l’instant, pour tous ces gens qui ne sont pas sur le terrain tout va bien. Donc là maintenant ça suffit, il y a une réelle urgence à investir ou à chercher le matériel là où il y en a pour répondre à la demande ». (doc audio 2 joint)

A l’écoute de son discours du 13 mars et ses dernières mesures radicales, on pouvait se dire que notre président avait enfin entendu l’alerte. Sauf que dans cet ensemble les élections faisaient tâches car elles étaient en complète contradiction avec les mesures de fermeture, de confinement adoptées.

Parce que le problème qui était réellement posé par les médecins n’était pas tant celui de la dangerosité du virus que celui de la capacité de nos hôpitaux à prendre en charge un afflux trop important de malades graves dans un temps donné dans des services hospitaliers mis à mal depuis des années par des plans d’austérité contestés.

J’en suis donc venu à me poser naturellement la question de l’attitude que devait adopter un bon citoyen en de telles circonstances ? Fallait-il participer aux élections et prendre le risque de participer ainsi à l’accentuation de l’épidémie ?

Ou bien fallait-il faire confiance aux soignants sur le terrain et tenter de les aider le mieux possible ?

Évidemment j’ai fait une totale confiance aux soignants sur le terrain. Ce qu’ils demandaient, afin de les soutenir, c’était de freiner l’épidémie pour espérer soigner tout le monde dans de bonnes conditions au fur et à mesure de son développement. La seule solution qui s’offrait à moi, la seule attitude civique nécessaire et justifiée pour le bien de l’ensemble de la population, fut de ne pas participer au premier tour des municipales.

Les faits (la décision radicale du confinement généralisé le lendemain des élections comme si du jour au lendemain la situation avait radicalement changé), les paroles (notamment les propos de A Buzyn qui dans un article du Monde du 17 mars déclare avoir prévenu dès la mi-janvier le gouvernement de la gravité de la situation et de l’impossibilité de mener à bien les Municipales) confirment la pertinence des alertes répétées des personnels des urgences, malheureusement non-entendues. On peut par ailleurs s’étonner qu’une ministre de la Santé aussi consciente et responsable ait néanmoins accepté de quitter son poste le 17 février, à un moment si important, pour mener une campagne électorale qu’elle qualifie elle-même de « mascarade ».

Jean-Marie, animateur de l’émission Sur les routes du blues


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1 réponse

  1. marquant dit :

    Et ben oui… et il parait que cela aurait été pire, si en 2017… mais je m’égare (de Lyon)

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