Jean-Marie – Les proverbes à l’épreuve du Covid19

Chroniques du temps covidien 8


Les proverbes à l’épreuve du Covid19

Le proverbe météorologique « après la pluie vient le beau temps » est mis à rude épreuve ces temps-ci. Je m’explique :

Certes une pandémie mondiale n’était pas prévisible début 2020. Mais en tirer la conclusion qu’il suffira de beaucoup de patience pour s’en sortir et reprendre la belle vie telle qu’on l’avait laissée et que nous nous en sortirons unis et plus fort que jamais me paraît pour le moins utopique, pour le pire d’une grande naïveté.

Car c’est oublié un peu vite que depuis plusieurs années un certain nombre de personnes prévoyaient, analyses scientifiques à l’appui, l’arrivée d’une probable et dangereuse pandémie sans savoir forcément la date. Je dirais même que c’était une question de bon sens. On avait quand même déjà eu Zika, le VIH, Ebola, le Sras….

Mais le problème en fait n’est pas seulement là, il est plutôt que beaucoup de ceux qui prévoyaient une prochaine pandémie soulignaient avec beaucoup de craintes l’impréparation effarante de la plupart des pays dont les plus développés.

Je pourrais citer un rapport de 25 experts de la CIA en 2005, Bill Gates en 2015, et même Jean Luc Mélenchon en 2017 lors d’un meeting de la campagne présidentielle. J’allais oublier le docteur Salomon le directeur actuel de la Santé en France qui seconde le ministre Olivier Véran. Et bien ce Dr Salomon en 2016, alors simple conseiller santé du futur président de la République, l’avertissait que la France n’était pas préparée à faire face à une grave épidémie.

« La France n’est pas prête », écrivait-il dans ce message. Selon lui, le système de réponse n’était pas assez bien structuré, soulignant le « manque de réactivité et de capacités d’adaptation aux situations spécifiques et évolutives » ainsi que les difficultés d’accueil « en milieu hospitalier, en particulier si l’afflux de victimes est important, supérieur à 300 en urgence absolue ». (https://actu.orange.fr/france/coronavirus-en-2016-jerome-salomon-alertait-deja-macron-sur-les-risques-d-epidemie-magic-CNT000001oI4BZ.html)

En 2005 les professeurs Jean-Philippe Derenne et François Bricaire, pneumologue et infectiologue à la Salpêtrière, publiait un ouvrage chez Fayard, « Pandémie, la grande menace de la grippe aviaire » dans lequel ils expliquaient toutes les mesures à prendre pour maîtriser une telle situation, le confinement, les stocks de matériels nécessaires, les personnels à former, etc, etc… (Le Canard Enchaîné du 8 Avril 2020)

En 2012 le journaliste scientifique américain David Quammen a publié Spillover. Animal Infections and the Next Human Pandemic (« Débordement. Les infections animales et la prochaine pandémie humaine, non traduit »). https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/04/04/coronavirus-la-degradation-de-la-biodiversite-en-question_6035591_1650684.html

Début 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait d’ailleurs inscrit une «maladie X» dans la liste des pathologies pouvant potentiellement provoquer un danger international, qui résulterait probablement d’un virus d’origine animale et émergerait quelque part sur la planète où le développement économique rapproche les humains et la faune. . La maladie X se propagerait rapidement et silencieusement ; exploitant les réseaux de voyages et de commerce humains, elle atteindrait plusieurs pays et serait difficile à contenir. »

Alors bien sûr personne ne pouvait prévoir la date précise de l’arrivée d’une nouvelle pandémie, mais tout le monde savait ou aurait pu savoir qu’une telle épidémie allait un jour arriver. Pourtant personne parmi les responsables politiques qui se sont succédés depuis plusieurs décennies n’a agi concrètement pour que notre pays soit en mesure de l’affronter. Bien au contraire ils ont tous sans exception participé à fragiliser notre système de santé et tout particulièrement l’Hôpital Public. Au printemps 2018 Macron avait assuré qu’il n’y aurait pas d’économie sur l’hôpital dans son quinquennat… avant qu’une fuite du Ministère de la Santé ne révèle un projet d’économie de 960 millions d’euros sur les hôpitaux pour cette année-là. D’où les mouvements de protestation et de grève dans le milieu médical.

La situation est unique et complexe car même les deux pays qui semblaient avoir appris des crises sanitaires précédentes, Singapour et la Corée du Sud, et qui semblaient avoir maîtrisé la propagation du Covid19 sans complet confinement ne sont pas à l’abri d’une 2ème vague qui pointe d’ailleurs son nez à Singapour. Sortir du confinement sera loin d’être simple sans compter la possibilité d’une récidive à l’automne prochain, sans être sûr de disposer d’un vaccin.

Tout cela ce sont des réalités. Ce ne sont pas des états d’âme, ni des critiques imbéciles.

La pénurie de matériel, de masques, de blouses, de respirateurs, de liquide hydroalcoolique… Plaintel cette usine française de confection de masques à grande échelle qui ferme en 2018 parce que l’Etat n’honore pas son contrat… Luxfer seule usine en Europe produisant des bouteilles d’oxygène rachetée par Honeywell qui la ferme en 2019 sans que l’Etat ne bouge le petit doigt…

Comment ne pas voir que c’est le même système et ses serviteurs zélés qui produisent tout çà !!!

On peut saluer le dévouement, l’abnégation, le courage des soignants – et de toutes celles et ceux qui en bossant font que le pays ne va pas à la dérive – mais c’est un peu malhonnête ou hypocrite si on ne reconnaît pas « en même temps » que les difficultés auxquelles ils font face, leur épuisement, leurs inquiétudes, leurs souffrances auraient été bien moindres si des irresponsables politiques n’avaient pas œuvré à dégrader petit à petit leur outil et leurs conditions de travail, en un mot, s’ils avaient pu travailler dans des conditions normales avec un système de santé adapté à affronter une pandémie prévisible même sans savoir sa date d’arrivée. Et après la pluie ce ne pourra malheureusement être le beau temps et ce n’est pas être un oiseau de mauvais augure de dire cela car tous les épidémiologues ou autres experts de la question, mais aussi les gens de bon sens, savent aujourd’hui qu’il y aura d’autres pandémies. Par contre c’est faire l’autruche que de ne pas vouloir voir et comprendre cela.

Affirmer que toutes les personnes qui respectent les règles du confinement et celles qui bossent avec dévouement et abnégation sont les « gens normaux » et que ceux qui ne sont que dans la critique sont donc des anormaux est un peu court. Je rappellerais que ma 1ère chronique, qui expliquait le jour du 1er tour des municipales pourquoi je n’allais pas m’y rendre, s’appuyait uniquement sur des cris d’alerte parfois virulents de soignants, d’urgentistes qui s’affolaient devant l’inconséquence de responsables politiques.

Par ailleurs moi-même qui approuve et respecte les mesures de confinement suis-je anormal si je répercute les questionnements légitimes d’une partie de la population.

Je suis convaincu pour ma part que cette pandémie que nous affrontons va laisser des traces indélébiles qui feront que beaucoup n’accepteront plus de faire comme avant. Déjà le système de santé va devoir forcément changer si on ne veut pas revivre cette situation. Mais même ça ce n’est pas gagné !

Le site Mediapart a révèlé ce mercredi 1er avril, une note commandée par l’Elysée à la Caisse des dépôts et consignations qui préconise de continuer de faire de plus en plus de place au secteur privé dans l’hôpital public.

Il faut aussi espérer une remise en cause globale du fonctionnement politique et économique de nos sociétés. La pandémie du Covid19 ne doit pas cacher un mal bien plus dangereux qui nous menace tous, la crise climatique et écologique qui frappe lentement mais sûrement notre monde et qui risque de faire bien plus de dégats.

Il faudra bien questionner les fondements et le sens de cette société de consommation à l’américaine qu’on nous impose depuis si longtemps. Ne peut-on pas vivre plus sobrement, de manière plus économe, en étant plus soucieux des autres, faire que notre société soit moins inégalitaire, qu’on partage donc mieux les richesses produites. On vivrait tous, riches comme pauvres, beaucoup mieux dans une société plus équilibrée, plus juste.

En tout cas il y a au moins un proverbe qui voit aujourd’hui sa pertinence renforcée :

« Mieux vaut prévenir que guérir »

Prenez soin de vous

Jean Marie


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