Jean-Marie – Ivre de livres

Chroniques du temps covidien 7

Ivre de livres…

J’ai une addiction pour les livres. Enfant pourtant il y en avait peu à la maison. On ne lisait pas beaucoup dans les familles ouvrières à part la presse. Peut-être en est-il encore de même ? C’est à l’école républicaine, comme beaucoup, que j’ai chopé ce virus. Je n’ai pas le souvenir que c’était pendant les cours mais j’ai celui imprimé dans ma mémoire de l’heure d’étude du soir, de 17 à 18 h, et surtout l’hiver quand la nuit tombait tôt. On y faisait ses devoirs mais surtout on pouvait aller choisir un livre dans la bibliothèque de la classe et s’y plonger. Je me souviens avoir dévoré une série qui devait s’appeler « Contes et Légendes » de pays ou de régions diverses.

A l’adolescence je supportais mal qu’on considère la lecture comme un passe-temps qui ne primait pas sur tout ce qu’il y avait de plus utile à faire. Alors que le livre fait partie de notre humanité, c’est la vie en question par le roman, la poésie, la philosophie, l’économie, la sociologie, la politique, etc, etc…

Cela vient sûrement de tout cela mon rapport particulier au livre. Je ne suis ni un consommateur, ni un collectionneur, j’ai juste soif d’émotions et de connaissances. Je suis toujours en recherche, j’ai peur de manquer, et je n’arriverais pas à lire tout ce que j’ai amassé ! J’ai plein de retard, plein de lacunes qu’il me faudrait plusieurs vies pour combler.

Mais je garde une profonde reconnaissance envers les enseignants qui m’ont fait découvrir un petit pan de l’immense continent littéraire. Et j’apprécie particulièrement ces amis avec lesquels je partage cette dévorante passion.

J’ai justement un ami qui est libraire, libraire indépendant. Il a failli se faire racheter par évidemment plus gros que lui. Il n’a pas cédé et se bat comme un fou pour continuer à exister. Il fait des salons, accueille des écrivains, travaille avec les enseignants,…. Il n’est sûrement pas satisfait de la façon dont il bosse, trop accaparé par des tâches administratives, pas assez de temps pour lire, pas assez de temps avec ses patients…., ben oui, on n’est pas des clients on patiente pour lui laisser le temps de nous prodiguer ses recommandations de lecture. Il nous soigne quoi!

Voilà pourquoi je lui réserve quasiment tous mes achats de bouquins. Je n’ai jamais acheté et je n’achèterai jamais un livre, ni quoique ce soit d’ailleurs, sur Amazon ou n’importe quel site de e-commerce.

J’avais même, avec un autre pote quand notre ami commun s’est installé, proposé à tout mon entourage de rassembler toutes nos commandes pour le soutenir. Cela n’a pas trop marché mais je ne sais guère si c’est au bénéfice d’autres indépendants ou d’Amazon.

Et voilà que cette mauvaise crise du coronavirus révèle à nouveau des incohérences et des injustices de notre système. On a fermé les librairies mais pas Amazon qui profite du malheur des autres ! Son chiffre d’affaires s’envole en faisant travailler ses salariés dans des conditions inadaptées donc dangereuses. C’est un scandale quand on sait qu’ Amazon ne paie pas les impôts qu’il devrait dans tous les pays européens. 4,5 milliards de chiffre d’affaires en France en 2018 et il aurait versé un peu plus de 150 millions d’euros à l’Etat correspondant à des prélèvements directs (impôt sur les sociétés, cotisations patronales, impôts locaux, etc…). L’art de noyer le poisson !

Aux USA c’est pire, 10 milliards de bénéfice, je dis bien 10 milliards de bénéfice sur 233 milliards de chiffre d’affaires et pas un seul dollar d’impôt sur les sociétés.

Les librairies et les maisons d’édition indépendantes ont crié en mars leur désarroi. Il ne veulent surtout pas sortir du confinement qu’ils jugent tout à fait nécessaire. Mais ils dénoncent cette situation indigne qui permet à une multinationale vampire de continuer de s’accaparer encore un peu plus un marché fragile dans des conditions inadmissibles. Ils appellent aussi les citoyens au boycott d’Amazon. Et c’est cet appel que j’avais envie de relayer, parce qu’il prouve que nous pouvons à notre échelle agir et agir solidairement. Et pas seulement pour cette période singulière de confinement, mais pour toujours. Car cet e-commerce va continuer à nous pourrir la vie pour la grande satisfaction de ses actionnaires dont le plus important est évidemment son patron Jeff Bezos, 1ère fortune mondiale qui navigue entre 100 et 160 milliards de dollars selon le cours de son action.

N’oublions jamais qu’Amazon investit en recherche pour inventer des sites fonctionnant quasi exclusivement avec des robots. Peut-être même touche t-il du crédit-recherche pour cela ! Ce n’est donc pas pour le bien de l’humanité que Bezos et ses complices bossent, alors boycottons-les définitivement ! Et diffusons largement cet appel.

Vous trouverez le texte de la tribune des éditeurs et des libraires à cette adresse :

https://www.liberation.fr/debats/2020/03/23/pour-le-boycott-d-amazon-pour-un-soutien-massif-au-secteur-du-livre_1782744

et une pétition de soutien à cette autre adresse : http://soutienlibrairieedition.wesign.it/fr

Et pour terminer une pensée pleine de bon sens qui nous vient du XVI ème siècle :

« Pour que les hommes, tant qu’ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux choses l’une: ou qu’ils y soient contraints, ou qu’ils soient trompés. » Etienne de La Boétie.

Vive la liberté mais pas le libéralisme sauvage !

Bien à vous et prenez-soin de vous et de vos livres.

Jean Marie


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